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Elle leva son verre, et, d’une voix gentille, un peu nuancée de tristesse :

— Moi, dit-elle, je bois à la mémoire bénie de M. Maréchal.

Il y eut quelques secondes d’accalmie, de recueillement décent, comme après une prière ; et Beausire, qui avait le compliment coulant, fit cette remarque :

— Il n’y a que les femmes pour trouver de ces délicatesses.

Puis se tournant vers Roland père :

— Au fond, qu’est-ce que c’était que ce Maréchal ? Vous étiez donc bien intimes avec lui ?

Le vieux, attendri par l’ivresse, se mit à pleurer, et d’une voix bredouillante :

— Un frère… vous savez… un de ceux qu’on ne retrouve plus… nous ne nous quittions pas… il dînait à la maison tous les soirs… et il nous payait de petites fêtes au théâtre… je ne vous dis que ça… que ça… que ça… Un ami, un vrai… un vrai… n’est-ce pas, Louise ?

Sa femme répondit simplement :

— Oui, c’était un fidèle ami.