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terre pareils à des bocaux pour poissons vivants. Dans l’un d’eux, nage et flotte une sorte de serpent rouge qui semble avoir trois têtes. Il est long, mince, roulé sur lui-même. L’exécuteur le saisit. C’est un tube à trois embouchures.

Une d’elles est appliquée au bout de la tige de fer tombant du plafond. Une autre descend dans un des récipients de verre. L’exécuteur prend la dernière. Le patient, pâle comme un mort, ouvre la bouche.

Alors, l’exécuteur, lui tenant le front, introduit au fond de sa gorge cette troisième tête du serpent. L’homme frémit, tousse, s’étouffe, se tord. Le tortureur pousse, enfonce, introduit jusqu’au fond l’instrument de supplice.

Le patient tend les mains, râle, bave comme un chien enragé, et secoué de hoquets à la façon des gens atteints du mal de mer, cherche à rejeter l’horrible tube qui lui pénètre au fond du ventre. Alors, tout à coup, l’aide tourne un robinet et l’eau pénètre le patient, le gonfle à la façon des chameaux qui boivent aux citernes la provision d’un mois.

Son corps se tend, sa face devient violette. On croit qu’il va expirer !… Mais, ô miracle, un filet d’eau soudain jaillit de