Page:Maupassant - Notes d'un démolisseur, paru dans Gil Blas, 17 mai 1882.djvu/2

Cette page a été validée par deux contributeurs.


NOTES D’UN DÉMOLISSEUR




Ô barbouilleurs, enlumineurs, gâcheurs de petits pinceaux, fabricants de niaiseries en couleur, peintres, quand nous débarrassera-t-on de vos concours à images ? Quel bruit vous faites, quelle turbulence vous avez, comme vous êtes, en général, médiocres, grâce au Salon, stimulant vos efforts pour plaire aux sots qui achètent, aux ministres ignorants qui décorent, et aux puissants jurés qui donnent des médailles !

La médaille est le but, vous vous faites petits garçons pour l’avoir ; et vous badigeonnez de petits sujets, avec un tout petit talent, pour aller sur les petits panneaux des petits salons des petits bourgeois qui ont le sac. Après quoi vous vous faites bâtir de petits hôtels avec de grands ateliers où vous débitez votre petite marchandise, petits artistes !

Beaucoup de vous ont du talent, pourtant, mais bien peu l’osent montrer ouvertement ; il faut vendre sa pacotille. M. Harpignies, M. Manet, M. Puvis de Chavannes, M. Gustave Moreau ont-ils jamais songé à la médaille et à la vente ?

Oh ! qui nous débarrassera du Salon, scie annuelle, éteignoir des personnalités, grand bazar où trafique la juiverie d’art ?

Sans ce concours, sans ces croix, que de