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mont-oriol

Latonne affirma :

— Oh ! celui-là, si vous le guérissez, je paie votre eau un franc le verre.

Puis, se tournant vers Andermatt :

— C’est un vieux goutteux rhumatisant atteint d’une sorte de contracture spasmodique de la jambe gauche et d’une paralysie complète de la droite ; enfin, je crois, un incurable.

Oriol l’avait laissé dire ; il reprit lentement :

— Eh bien, monchieu l’docteur, voulez-vous faire l’épreuve chur lui, un mois durant. Je ne dis pas que cha réuchira, je n’ dis rien, je demande cheulement à faire l’épreuve. Tenez, Coloche et moi, nous allions creuser un trou pour les pierres, eh bien, nous ferons un trou pour Cloviche ; il y pachera une heure chaque matin ; et puis nous verrons, là, nous verrons…

Le médecin murmura :

— Vous pouvez essayer. Je réponds bien que vous ne réussirez pas.

Mais Andermatt, séduit par l’espérance d’une guérison presque miraculeuse, accueillit avec joie l’idée du paysan ; et ils retournèrent tous les quatre auprès du vagabond toujours immobile au soleil.

Le vieux braconnier, comprenant la ruse, feignit de refuser, résista longtemps, puis se laissa convaincre, à la condition qu’Andermatt lui donnerait deux francs par jour pour l’heure qu’il passerait dans l’eau.

Et l’affaire fut conclue ainsi. Il fut même décidé qu’aussitôt le trou creusé, le père Clovis prendrait son bain ce jour-là même. Andermatt lui fournirait des vêtements pour s’habiller ensuite, et les deux Oriol lui apporteraient une ancienne hutte de berger remisée