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— Ché pas vrai.

Le grand Jacques, furieux, presque menaçant, criait :

— Ah ! ché pas vrai ! Eh bien, vieux trois pattes, écoute : quand je t’y verrai, moi, au bois, la nuit, ou bien à l’eau, je te pincherai, t’entends bien, vu qu’j'ai encore d’pu longues jambes, et j’t’attache à quéque arbre jusqu’au matin, où nous allons te r’prendre, tout le village enchemble…

Le père Oriol arrêta son fils, puis très doux :

— Écoute, Cloviche, tu peux bien échayer la chose ! Nous te faijons un bain, Coloche et moi ; t’y viens chaque jour, un mois durant. Pour cha, j’te donne, non point chent, mais deux chents francs. Et puis, écoute, si t’es guori, l’mois fini, che ch’ra chinq chents d’plus. T’entends bien, chinq chents, en écus d’argent, plus deux chents, ça fait chept chents.

Donc, deux chents pour le bain un mois durant, plus chinq chents pour la guérison. Et puis écoute : des douleurs cha r’vient. Si cha t’reprend à l’automne, nous sommes pour rien, l’eau aura pas moins fait chon effet.

Le vieux répondit avec calme :

— Dans che cas-là j’ veux ben. Chi cha n’ réuchit pas, on l’ verra toujours.

Et les trois hommes se serrèrent la main pour sceller le marché conclu. Puis les deux Oriol retournèrent à leur source afin de creuser le bain du père Clovis.

Ils y travaillaient depuis un quart d’heure, quand ils entendirent des voix sur la route.

C’était Andermatt et le docteur Latonne. Les deux paysans clignèrent de l’œil et cessèrent de creuser la terre.