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eau ; et leur double veuvage semblait indiquer qu’elles avaient appliqué la même méthode pour leurs maris, la fille ayant vingt-deux ans, et la mère à peine quarante.

Mais Andermatt, si bavard ordinairement, restait taciturne et songeur. Il demanda tout à coup à Gontran :

— Savez-vous où demeurent les Oriol ?

— Oui, on m’a montré leur maison tout à l’heure.

— Pourrez-vous m’y conduire après diner ?

— Certainement. Cela me fera même plaisir de vous accompagner. Je ne serai point fâché de revoir les deux fillettes.

Et dès que le diner fut terminé ils s’en allèrent, tandis que Christiane, fatiguée, le marquis et Paul Brétigny montaient au salon pour finir la soirée.

Il faisait encore grand jour, car on dîne tôt dans les stations thermales.

Andermatt prit le bras de son beau–frère.

— Mon cher Gontran, si ce vieux est raisonnable et si l’analyse donne ce qu’espère le docteur Latonne, je vais probablement tenter ici une grosse affaire : une Ville d’Eaux. Je veux lancer une Ville d’Eaux !

Il s’arrêta au milieu de la rue et, prenant son compagnon par les deux bords de sa jaquette :

— Ah ! vous ne comprenez pas, vous autres, comme c’est amusant, les affaires, non pas les affaires des marchands ou des commerçants, mais les grandes affaires, les nôtres ! Oui, mon cher, quand on les entend bien, cela résume tout ce qu’ont aimé les hommes, c’est en même temps la politique, la guerre, la diplomatie, tout, tout ! Il faut toujours chercher,