M. Riquier, qui digérait mal aussi, et puis d’autres personnes incolores, de ces voyageurs muets qui entrent à pas sourds, la femme devant, l’homme derrière, dans la salle à manger des hôtels, saluent dès la porte et gagnent leurs chaises avec un air timide et modeste.
Tout l’autre bout de la table était vide, bien que les assiettes et les couverts y fussent posés pour les convives de l’avenir.
Andermatt parlait avec animation. Il avait passé l’après-midi à causer avec le docteur Latonne, laissant couler, avec les paroles, de grands projets sur Enval.
Le docteur lui avait énuméré, avec une conviction ardente, les mérites surprenants, de son eau, bien supérieure à celle de Châtel-Guyon, dont la vogue cependant s’était définitivement affirmée depuis deux ans.
Donc on avait, à droite, ce trou de Royat en pleine fortune, en plein triomphe, et, à gauche, ce trou de Châtel-Guyon tout à fait lancé depuis peu ! Que ne ferait-on pas avec Enval, en sachant s’y prendre !
Il disait, s’adressant à l’ingénieur :
— Oui, monsieur, tout est là, savoir s’y prendre. Tout est affaire d’adresse, de tact, d’opportunisme et d’audace. Pour créer une ville d’eaux, il faut savoir la lancer, rien de plus, et, pour la lancer, il faut intéresser dans l’affaire le grand corps médical de Paris. Moi, monsieur, je réussis toujours ce que j’entreprends, parce que je cherche toujours le moyen pratique, le seul qui doit déterminer le succès dans chaque cas spécial dont je m’occupe ; et tant que je ne l’ai pas trouvé, je ne fais rien, j’attends. Il ne suffit pas d’avoir de l’eau, il faut la faire boire ; et, pour la faire boire,