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Le docteur Honorat avait disparu. On parlait de lui. Le marquis disait à son fils :

— Tu le connais depuis trois jours et tu te moques tout le temps de lui, tu finiras par le blesser.

Mais Gontran haussa les épaules :

— Oh ! c’est un sage, un bon sceptique, celui-là ! Je te réponds qu’il ne se fâchera pas. Quand nous sommes tous les deux seuls, il se moque de tout le monde et de tout, en commençant par ses malades et par ses eaux. Je t’offre une baignoire d’honneur si tu le vois jamais se fâcher de mes blagues.

Cependant l’agitation était extrême en bas, sur l’emplacement du morne disparu. La foule, énorme, houleuse, se poussait, ondulait, criait, en proie certes à une émotion, à un étonnement inattendus.

Andermatt, toujours actif et curieux, répétait :

— Qu’ont-ils donc ? Mais qu’ont-ils donc ?

Gontran annonça qu’il allait voir ; et il partit, tandis que Christiane, indifférente maintenant, songeait qu’il aurait suffi d’une mèche un peu plus courte pour que son grand fou de voisin se fît tuer, se fît éventrer par des éclats de pierre, parce qu’elle avait eu peur pour la vie d’un chien. Elle pensait qu’il devait être, en effet, bien violent et passionné, cet homme, pour s’exposer ainsi sans raison, dès qu’une femme inconnue exprimait un désir.

On voyait, sur la route, des gens courir vers le village. Le marquis, à son tour, se demandait : « Qu’est ce qu’ils ont ? » Et Andermatt, n’y tenant plus, se mit à descendre la côte.

Gontran, d’en bas, leur fit signe de venir.

Paul Brétigny demanda :