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Car voilà longtemps qu’on parle de ça dans le pays ; et puis le père Oriol est une célébrité, un personnage considérable par son influence et par sa fortune, un véritable Auvergnat, d’ailleurs, resté paysan, travaillant lui-même, économe, entassant or sur or, intelligent, plein d’idées et de projets pour ses enfants.

Gontran revenait, agité, l’œil brillant. Il dit, à mi-voix :

— Paul, Paul, viens donc avec moi, je vais te montrer deux jolies filles ; oh ! mais gentilles, tu sais !

L’autre leva la tête et répondit :

— Mon cher, je suis très bien ici, je ne bougerai pas.

— Tu as tort. Elles sont charmantes.

Puis, élevant la voix :

Mais le docteur va me dire qui c’est. Deux fillettes de dix-huit ou dix-neuf ans, des espèces de dames du pays, habillées drôlement, avec des robes de soie noire à manches collantes, des espèces de robes d’uniforme, des robes de couvent, deux brunes…

Le docteur Honorat l’interrompit :

— Cela suffit. Ce sont les filles du père Oriol, deux belles gamines, en effet, élevées chez les Dames noires de Clermont… et qui feront de beaux mariages… Ce sont deux types, mais là deux types de notre race, de la bonne race auvergnate ; car je suis Auvergnat, monsieur le marquis ; et je vous montrerai ces deux enfants-là…

Gontran lui coupa la parole et, sournois :

— Vous êtes le médecin de la famille Oriol, docteur ?

L’autre comprit la malice, et répondit un simple « Parbleu ! » plein de gaîté.