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Elle se tut. Christiane, dont le courage faiblissait, balbutia :

— Mon frère l’a rencontrée souvent chez vous sa fiancée.

— Oh ! oui, Madame, je crois bien, tous les jours. Tout s’est fait chez moi, tout ! Moi, je les laissais causer, ces enfants, je comprenais bien la chose ! Mais ce qui m’a fait plaisir, vraiment, c’est quand j’ai vu que M. Paul en tenait pour la cadette.

Alors Christiane, d’une voix presque inintelligible :

— Il l’aime beaucoup ?…

— Ah ! Madame, s’il l’aime ! Il en perdait l’esprit dans ces derniers temps. Et puis comme l’Italien, celui qui a pris la fille au docteur Cloche, tournait un peu autour de la petite, histoire de voir, de tâter, j’ai cru qu’ils s’allaient battre !… Ah ! si vous aviez vu les yeux de M. Paul ! Et il la regardait comme une bonne Vierge, elle ?… Ça fait plaisir quand on aime tant que ça !

Alors Christiane l’interrogea sur tout ce qui s’était passé devant elle, sur ce qu’ils avaient dit, sur ce qu’ils avaient fait, sur leurs promenades dans ce vallon de Sans-Souci, où tant de fois il lui avait parlé de son amour. Elle avait des questions inattendues qui surprenaient la grosse dame, sur des choses auxquelles personne n’eût songé, car elle comparait sans cesse, elle se rappelait mille détails de l’an passé, toutes les galanteries délicates de Paul, ses prévenances, ses inventions ingénieuses pour lui plaire, tout ce déploiement d’attentions charmantes et de soins tendres qui prouvent chez un homme l’impérieux désir de séduire ; et elle voulait savoir s’il avait fait tout cela pour