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Andermatt. Il sonna, et la nourrice parut, une énorme femme rouge, avec une bouche d’ogresse, pleine de dents larges et luisantes qui firent presque peur à Christiane. Et de son corsage ouvert elle tira une pesante mamelle, molle et lourde de lait comme celles qui pendent sous le ventre des vaches. Et quand Christiane vit sa fille boire à cette gourde charnue elle eut envie de la saisir, de la reprendre, un peu jalouse et dégoûtée.


Mme Honorat maintenant donnait des conseils à la nourrice, qui s’en alla, emportant l’enfant.

Andermatt à son tour sortit. Les deux femmes restèrent seules.

Christiane ne savait comment parler de ce qui torturait son âme, tremblait d’être trop émue, de perdre la tête, de pleurer, de se trahir. Mais Mme Honorat se mit à bavarder toute seule, sans qu’on lui demandât rien. Lorsqu’elle eut conté tous les potins qui couraient par le pays, elle en vint à la famille Oriol :

— C’est de braves gens, disait-elle, de bien braves gens. Si vous aviez connu la mère, quelle femme honnête, vaillante ! Elle en valait dix, Madame. Les petites tiennent d’elle, d’ailleurs.