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V

Gontran fut un fiancé parfait, aimable autant qu’assidu. Il fit des cadeaux à tout le monde avec la bourse d’Andermatt et il allait à tout instant voir la jeune fille, soit chez elle, soit chez Mme Honorat. Paul, maintenant, l’accompagnait presque toujours, afin de rencontrer Charlotte qu’il se décidait, après chaque visite, à ne plus voir.

Elle s’était résignée bravement au mariage de sa sœur, et elle en parlait même avec aisance, sans paraître en garder à l’âme la moindre peine. Son caractère seul semblait un peu changé, plus posé, moins ouvert. Brétigny, pendant que Gontran contait des galanteries à Louise, à mi-voix, dans un coin, causait gravement avec elle, et se laissait lentement conquérir, laissait noyer son cœur par cet amour nouveau comme par une marée montante. Il le savait et s’abandonnait, songeant : « Bah ! quand le moment sera venu, je me sauverai, voilà tout. » En la quittant, il montait chez Christiane, étendue à présent du matin au soir sur une chaise longue. Dès la porte il se sentait nerveux, irrité, armé pour toutes les menues querelles que la lassitude fait naître. Tout ce qu’elle disait, tout ce qu’elle pensait le fâchait d’avance ; son air de souffrance, son