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moi… c’est trop vilain… c’est trop lâche… mais ça m’a fait de la peine tout de même… beaucoup… parce que c’est dur… bien dur… oh ! oui… Mais ce qui me fait le plus mal, c’est ma sœur… ma sœur… qui ne m’aime pas non plus… elle… et qui a été plus méchante que lui… Je sens qu’elle ne m’aime plus… plus du tout… qu’elle me déteste… je n’avais qu’elle… je n’ai plus personne… et je n’ai rien fait, moi !…

Il ne voyait que son oreille et son cou de chair jeune qui s’enfonçait dans le col de la robe, sous l’étoffe légère, vers des formes plus rondes. Et il se sentait bouleversé de compassion, de tendresse, soulevé par ce désir impétueux de dévouement qui s’emparait de lui chaque fois qu’une femme touchait son âme. Et son âme prompte aux fusées d’enthousiasme s’exaltait auprès de cette douleur innocente, troublante, naïve, et cruellement charmante.

Il étendit la main vers elle, par un geste inconsidéré, ainsi qu’on fait pour flatter, pour calmer les enfants, et la posa sur la taille, près de l’épaule, par derrière. Alors il sentit battre le cœur à coups pressés, comme on sent le petit cœur d’un oiseau qu’on a pris.

Et ce battement continu, précipité, montait le long de son bras, vers son cœur à lui dont le mouvement s’accélérait. Il le sentait ce toc-toc rapide, venant d’elle et l’envahissant par sa chair, ses muscles et ses nerfs, ne leur faisant plus qu’un cœur souffrant de la même souffrance, agité de la même palpitation, vivant de la même vie, comme ces horloges qu’un fil unit de loin et fait marcher ensemble seconde par seconde.

Mais elle découvrit son visage rougi, toujours, l’essuya vivement et dit :