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large, ombragée pendant le jour, facile et peu montante pour le soir, on la choisit fatalement, de préférence aux autres. Si vous saviez comme le corps garde le souvenir de mille choses que l’esprit n’a pas pris la peine de retenir ! Je crois que la mémoire des animaux est faite ainsi ! Avez-vous eu trop chaud en vous rendant à tel endroit, vous êtes-vous lassé les pieds sur les cailloux mal écrasés, avez-vous trouvé une montée trop rude, pendant même que vous pensiez à autre chose, vous éprouverez pour retourner à ce lieu là une répugnance physique invincible. Vous causiez avec un ami, vous n’avez rien remarqué des légers ennuis de la marche, vous n’avez rien regardé, rien noté ; mais vos jambes, vos muscles, vos poumons, votre corps tout entier n’ont pas oublié, eux, et ils disent à l’esprit, quand l’esprit veut les reconduire par la même route : « Non, je n’irai pas, j’y ai trop souffert. » Et l’esprit obéit à ce refus sans le discuter, subissant ce langage muet des compagnons qui le portent.

Donc il nous faut de beaux chemins, cela revient à dire qu’il me faut les terres de cette bourrique de père Oriol. Mais patience… Ah ! à ce propos, Mas-Roussel est devenu propriétaire de son chalet aux mêmes conditions que Rémusot. C’est un petit sacrifice dont il nous dédommagera largement. Tâchez donc de savoir au juste les intentions de Cloche.

— Il fera comme les autres, dit le médecin. Mais il y a encore une chose à laquelle j’ai pensé depuis quelques jours et que nous avons complètement oubliée ; c’est le bulletin météorologique.

— Quel bulletin météorologique ?

— Dans les grands journaux de Paris ! C’est indis-