Page:Maupassant - Mont-Oriol, Ollendorff, 1905.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.
261
mont-oriol

Christiane fit un sursaut de stupéfaction.

— L’épouser ? Toi ?… Mais tu es fou !…

— Pourquoi ça ?

— Cette… cette petite… paysanne…

— Tra la… la… des préjugés… Est-ce ton mari qui te les apprend ?…

Comme elle ne répondait rien à cet argument direct, il reprit, faisant lui-même les demandes et les réponses :

— Est-elle jolie ? — Oui ! — Est-elle bien élevée ? — Oui ! — Et plus naïve, et plus gentille, et plus simple, et plus franche que les filles du monde. Elle en sait autant qu’une autre, car elle parle anglais et auvergnat, ce qui fait deux langues étrangères. Elle sera riche autant qu’une héritière du ci-devant faubourg Saint-Germain qu’on devrait baptiser faubourg de Sainte-Dèche, et, enfin, si elle est fille d’un paysan, elle n’en sera que plus saine pour me donner de beaux enfants… Voilà…

Comme il avait toujours l’air de rire et de plaisanter, Christiane demanda en hésitant :

— Voyons, parles-tu sérieusement ?

— Eh parbleu ! Elle est charmante, cette fillette. Elle a bon cœur et jolie figure, gai caractère et belle humeur, la joue rose, l’ail clair, la dent blanche, la lèvre rouge, le cheveu long, luisant, épais et souple ; et son vigneron de père sera riche comme un Crésus, grâce à ton mari, ma chère sœur. Que veux-tu de plus ? Fille d’un paysan ! Eh bien, la fille d’un paysan ne vaut-elle pas toutes les filles de la finance véreuse qui payent si cher des ducs douteux, et toutes les filles de la cocotterie titrée que nous a donnée l’Empire, et