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trop de prudence pour qu’elle pût s’en offenser. Comme il était assis à sa droite, il lui parlait tout près de la joue ; et elle n’osait pas se retourner pour lui répondre, par crainte du souffle de sa bouche qu’elle sentait déjà sur ses lèvres, et par crainte aussi de ses yeux dont le regard l’aurait gênée.

Il lui disait des gamineries galantes, des niaiseries drôles, des compliments plaisants et gentils.

Christiane ne parlait guère, alourdie, malade de sa grossesse. Et Paul semblait triste, préoccupé. Seul, le marquis causait sans trouble et sans souci, avec sa bonne grâce enjouée de vieux gentilhomme égoïste.

On descendit au parc de Royat pour écouter la musique, et Gontran, prenant le bras de Charlotte, partit avec elle en avant. L’armée de baigneurs, sur les chaises, autour du kiosque où le chef d’orchestre battait la mesure aux cuivres et aux violons, regardait défiler les promeneurs. Les femmes montraient leurs robes, leurs pieds allongés jusqu’au barreau de la chaise voisine, leurs fraîches coiffures d’été qui les faisaient plus charmantes.

Charlotte et Gontran erraient entre les gens assis, cherchant des figures comiques pour exciter leurs plaisanteries.

Il entendait à tout instant qu’on disait derrière eux : « Tiens ! une jolie personne. » Il était flatté et se demandait si on la prenait pour sa sœur, pour sa femme ou pour sa maîtresse.

Christiane, assise entre son père et Paul, les vit passer plusieurs fois, et trouvant qu’ils avaient « l’air un peu jeune », elle les appelait pour les calmer. Mais ils ne l’écoutaient point et continuaient à vaga-