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accoutumée déjà aux manières libres et familières de ce gamin du monde parisien, ne remarqua rien d’abord, et se laissant aller à sa nature confiante et droite, elle se mit à rire et à jouer avec lui, comme elle eût fait avec un frère.

Or, elle rentrait avec sa sœur aînée, après une soirée à l’hôtel, où Gontran, plusieurs fois, avait essayé de l’embrasser à la suite de gages donnés dans une partie de pigeon-vole, quand Louise, qui semblait soucieuse et nerveuse depuis quelque temps, lui dit, d’un ton brusque :

— Tu ferais bien de veiller un peu à ta tenue. M. Gontran n’est pas convenable avec toi.

— Pas convenable ? Qu’est-ce qu’il a dit ?

— Tu le sais bien, ne fais pas la niaise. Il ne faudrait pas longtemps pour te laisser compromettre, de cette façon-là ! Et si tu ne sais pas veiller sur ta conduite, c’est à moi d’y faire attention.

Charlotte, confuse, honteuse, balbutia :

— Mais je ne sais pas… je t’assure… je n’ai rien vu…

Sa sœur reprit avec sévérité :

— Écoute, il ne faut pas que ça continue ainsi ! S’il veut t’épouser, c’est à papa de réfléchir et de répondre, mais s’il veut seulement plaisanter, il faut qu’il cesse tout de suite.

Alors, brusquement, Charlotte se fâcha, sans savoir pourquoi, sans savoir de quoi. Elle était révoltée maintenant que sa sœur se mêlât de la diriger et de la réprimander ; et elle lui déclara, la voix tremblante et les larmes aux yeux, qu’elle eût à ne jamais s’occuper de ce qui ne la regardait pas. Elle bégayait, exaspérée,