Page:Maupassant - Mont-Oriol, Ollendorff, 1905.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
mont-oriol

— Mon Dieu ! j’avais l’intention de lui donner une épingle de cravate. Il doit les aimer, car il en a déjà deux ou trois fort jolies…

— Oh ! comme vous m’embarrassez. La même idée m’était venue. Alors je lui donnerai une bague.

Et on complotait des surprises pour lui plaire, des cadeaux ingénieux pour le toucher, des gentillesses pour le séduire.

Il était devenu le « bruit du jour », le grand sujet de conversation, le seul objet de l’attention publique, quand se répandit la nouvelle que le comte Gontran de Ravenel faisait la cour à Charlotte Oriol, pour l’épouser. Et ce fut aussitôt dans Enval une assourdissante rumeur.

Depuis le soir où il avait ouvert avec elle le bal d’inauguration du Casino, Gontran s’était attaché à la robe de la jeune fille. Il avait pour elle, en public, tous les menus soins des hommes qui veulent plaire sans cacher leurs vues ; et leurs relations ordinaires prenaient en même temps un caractère de galanterie enjouée et naturelle qui devait les conduire au sentiment.

Ils se voyaient presque chaque jour, car les fillettes s’étaient prises pour Christiane d’une excessive amitié, où entrait sans doute beaucoup de vanité flattée. Gontran, tout à coup, ne quitta plus sa sœur ; et il se mit à organiser des parties pour le matin et des jeux pour le soir, dont s’étonnèrent beaucoup Christiane et Paul. Puis on s’aperçut qu’il s’occupait de Charlotte ; il la taquinait avec gaîté, la complimentait sans en avoir l’air, lui montrait ces mille attentions légères qui nouent entre deux êtres des liens de tendresse. La jeune fille,