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naissait seul les propriétés véritables des eaux, il avait, pour ainsi dire, leur secret, puisqu’il les administrait officiellement depuis l’origine de la station.

Le docteur Honorat ne conservait guère que la clientèle auvergnate. Il se contentait de cette fortune médiocre en demeurant bien avec tout le monde, et se consolait en préférant de beaucoup les cartes et le vin blanc à la médecine.

Il n’allait point cependant jusqu’à aimer ses confrères.

Le docteur Latonne serait donc demeuré le grand augure de Mont-Oriol, si on n’avait vu apparaître un matin un tout petit homme, presque un nain, dont la grosse tête enfoncée entre les épaules, les gros yeux ronds et les grosses mains, faisaient un être très bizarre. Ce nouveau médecin, M. Black, amené dans le pays par le professeur Rémusot, s’était fait tout de suite remarquer par son excessive dévotion.

Presque tous les matins, entre deux visites, il entrait quelques minutes à l’église, et presque tous les dimanches il recevait la communion. Le curé, bientôt, lui fit avoir quelques malades, de vieilles filles, de pauvres gens qu’il soignait gratuitement, des dames pieuses qui demandaient conseil à leur directeur avant d’appeler un homme de science dont elles désiraient avant tout connaître les sentiments, la réserve et la pudeur professionnelles.

Puis un jour on annonça la venue de la princesse de Maldebourg, vieille Altesse allemande, catholique très fervente, qui appela, le soir même de son arrivée, le docteur Black auprès d’elle, sur la recommandation d’un cardinal romain.