Page:Maupassant - Mont-Oriol, Ollendorff, 1905.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
mont-oriol

roulant violemment son petit ventre rond entre les ventres. « Il prouve, disait Gontran, la supériorité des billes sur les pointes. »

Le père Clovis, assis sur le fossé, geignait ses peines, contait ses souffrances en pleurnichant, tandis que, debout devant lui et le séparant du public, les deux Oriol exaspérés l’injuriaient et le menaçaient à pleine gorge.

— Cha n’est pas vrai, criait Colosse, ch’est un menteux, un faignant, un braconnier qui court le bois toute la nuit.

Mais le vieux, sans s’émouvoir, répétait d’une petite voix perçante entendue malgré les vociférations des deux hommes :

— Ils m’ont tua, mes bons méchieus, ils m’ont tua avec leur eau. Ils m’ont baigné par forche l’an paché. Et me v’là, à ch’t’heure, me v’là, me v’là !

Andermatt imposa silence à tout le monde, et se penchant vers l’impotent il lui dit, en le regardant au fond des yeux :

Si vous êtes plus malade, c’est votre faute, entendez-vous. Mais si vous m’écoutez, je vous réponds de vous guérir, moi, en quinze ou vingt bains tout au plus. Venez me trouver dans une heure à l’établissement, quand tout le monde sera parti, et nous arrangerons ça, mon père. En attendant, taisez-vous.

Le vieux avait compris. Il se tut, puis après un silence, il répondit :

— J’veux toujours ben échayer. Verraï.

Andermatt prit par les bras les deux Oriol et les entraîna vivement, tandis que le père Clovis restait allongé sur l’herbe entre ses béquilles, au bord de la route, clignant les yeux sous le soleil.