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soudain aux jeunes gens l’ancien geôlier surveillant.

— Oui, il est dans le coin là-bas.

— C’est que le père Clovis amasse du monde devant la porte.

Déjà, en allant aux sources pour les bénir, la procession tout entière avait défilé devant le vieil invalide, guéri l’année d’avant, et redevenu à présent plus paralytique que jamais. Il arrêtait les étrangers sur les routes, et les derniers venus de préférence pour leur conter son histoire ;

— Ché-jeaux-là, voyez-vous, cha ne vaut rien, cha garit, ché vrai, et pi on r’tombe, mais on r’tombe prechque mort. Moi, j’avais les jambo qu’allaient pu, à ch’t’heure, v’la que je perds les bras, par chuite de la cure. Et mes jambo, ch’est du fer, mais du fer qu’on couperio putôt que d’le plier.

Andermatt, désolé, avait essayé de le faire emprisonner, en le poursuivant judiciairement pour préjudice causé aux eaux du Mont-Oriol, et tentative de chantage. Mais il n’avait pu réussir à obtenir une condamnation ni à lui fermer la bouche.

Aussitôt informé que le vieux jasait devant la porte de l’établissement, il s’élança pour le faire taire.

Au bord de la grande route, au milieu d’un attroupement, il entendit des voix furieuses. On se pressait pour écouter et pour voir. Des dames demandaient : « Qu’est-ce que c’est ? » Des hommes répondaient : « C’est un malade que les eaux d’ici ont achevé. » D’autres croyaient qu’on venait d’écraser un enfant. On parlait aussi d’une attaque d’épilepsie dont aurait été frappée une pauvre femme.

Andermatt fendit la foule, comme il savait faire, en