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les mollets et les chevilles, de façon qu’il ne pût accomplir aucun mouvement volontaire ; puis l’homme aux manches retroussées, saisissant la manivelle, la tourna de toute sa force. Le fauteuil d’abord se balança comme un hamac, puis les jambes tout à coup partirent, s’allongeant et se recourbant, allant et revenant avec une vitesse extrême.

— Il court, dit le docteur, qui ordonna : « Doucement allez au pas. »

L’homme, ralentissant son allure, imposa au gros ingénieur une marche assise plus modérée, qui décomposait d’une façon comique tous les mouvements de son corps.

Deux autres malades apparurent alors, énormes tous deux, et suivis aussi de deux garçons de service aux bras nus.

On les hissa sur des chevaux de bois qui, mis en mouvement, se mirent aussitôt à sauter sur place, en secouant leurs cavaliers d’une abominable manière.

— Au galop ! — cria le docteur. Et les bêtes factices bondissant comme des vagues, chavirant comme des navires, fatiguèrent tellement les deux patients qu’ils se mirent à crier ensemble, d’une voix essoufflée et lamentable : « Assez ! Assez ! je n’en puis plus ! Assez ! »

Le médecin commanda : « Stop ! » puis ajouta :

« Soufflez un peu. Vous reprendrez dans cinq minutes. »

Paul Brétigny, qui étouffait d’envie de rire, fit remarquer que les cavaliers n’avaient pas chaud, tandis que les tourneurs de manivelle étaient en sueur.

— Si vous intervertissiez les rôles, disait-il, cela ne vaudrait-il pas mieux ?