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mont-oriol

une ligne sans arrêter dix fois le clerc dont il coupait les effets.

Il répétait :

— Tu dis ? Qué que tu dis là ? J’ai point entendu ! pas chi vite.

Puis, se tournant un peu vers son fils :

— C’est-il cha, Coloche ?

Colosse, plus maître de lui, répondait :

— Cha va, païré, laiche, laiche, cha va !

Le paysan n’avait pas confiance. Du bout de son doigt crochu il suivait sur son papier en marmottant les mots entre ses lèvres ; mais son attention ne pouvant se fixer au même moment des deux côtés, quand il écoutait, il ne lisait plus, et il n’entendait point quand il lisait. Et il soufflait comme s’il eût gravi un mont, il transpirait comme s’il eût bêché sa vigne en plein soleil, et de temps en temps il demandait un repos de quelques minutes, pour s’essuyer le front et reprendre haleine, comme un homme qui se bat en duel.

Andermatt, impatienté, frappait le sol de son pied. Gontran, ayant aperçu sur une table le Moniteur du Puy-de-Dôme, l’avait pris et le parcourait ; et Paul, à cheval sur sa chaise, le front baissé, le cœur crispé, songeait que ce petit homme rose et ventru, assis devant lui, allait emporter, le lendemain, la femme qu’il aimait de toute son âme, Christiane, sa Christiane, sa blonde Christiane, qui était à lui, toute à lui, rien qu’à lui. Et il se demandait s’il n’allait pas l’enlever ce soir-là même.

Les sept messieurs demeuraient sérieux et tranquilles.

Au bout d’une heure, ce fut fini. On signa.