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servir le premier avec une déférence respectueuse qui disparaissait de leurs visages et de leurs gestes dès qu’ils passaient les plats aux voisins.

Un d’eux lui présenta une carte sur une assiette.

Il la prit et lut à mi-voix. « Le docteur Latonne, de Paris, serait heureux si M. Andermatt voulait bien lui accorder quelques secondes d’entretien avant son départ. »

— Répondez que je n’ai pas le temps, mais que je reviendrai dans huit ou dix jours.

Au même moment on apportait à Christiane une botte de fleurs de la part du docteur Honorat.

Gontran riait :

— Le père Bonnefille est mauvais troisième, dit-il.

Le dîner allait finir. On prévint Andermatt que son landau l’attendait. Il monta pour chercher son petit sac ; et quand il redescendit, il vit la moitié du village amassée devant la porte. Petrus Martel vint lui serrer la main avec une familiarité de cabotin et lui murmura dans l’oreille :

— J’aurai une proposition à vous faire, quelque chose d’épatant pour votre affaire.

Soudain le docteur Bonnefille parut, pressé selon sa coutume. Il passa tout près de Will, et, le saluant très bas comme il faisait pour le marquis, il lui dit :

— Bon voyage, monsieur le baron.

— Touché, murmura Gontran.

Andermatt, triomphant, gonflé de joie et d’orgueil, serrait les mains, remerciait, répétait : « Au revoir ! » Mais il faillit oublier d’embrasser sa femme, tant il pensait à autre chose. Cette indifférence fut pour elle un soulagement, et quand elle vit le landau s’éloigner sur