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— Je ne dis point cela pour Andermatt, que je trouve un charmant homme. Je l’aime beaucoup parce qu’il est cent fois supérieur à tous les autres…

Christiane avait retiré sa main. Paul, de nouveau, cessa de parler.

Gontran se mit à rire et, de sa voix méchante, dont il osait tout dire, en ses heures de gouaillerie sincère :

— En tout cas, mon cher, ces hommes-là ont un rare mérite : c’est d’épouser nos sœurs et d’avoir des filles riches qui deviennent nos femmes.

Le marquis, blessé, se leva :

— Oh ! Gontran ! Tu es parfois révoltant.

Paul, alors, se tournant vers Christiane, murmura :

— Sauraient-ils mourir pour une femme ou même lui donner toute leur fortune toute sans rien garder ?

Cela disait si clairement : « Tout ce que j’ai est à vous, jusqu’à ma vie », qu’elle fut émue, et elle eut cette ruse pour lui prendre les mains :

— Levez-vous et relevez-moi ; je suis engourdie à ne plus remuer.

Il se dressa, la saisit par les poignets et, l’attirant, la mit debout, sur le bord de la route, tout contre lui. Elle vit sa bouche balbutier : « Je vous aime » et elle se détourna vite pour ne pas lui répondre aussi ces trois mots qui lui montaient aux lèvres malgré elle dans un élan qui la jetait vers lui.

Ils retournèrent vers l’hôtel.

L’heure du bain était passée. On attendit celle du déjeuner. Elle sonna, mais Andermatt ne revenait point. Après un nouveau tour dans le parc, on résolut donc de se mettre à table. Le repas, bien que long, se