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Elle répondit avec calme :

Oui, mon cher Will, dans cinq minutes.

Mais Gontran, rentrant dans le salon, rappelait Andermatt.

— Figurez-vous, disait-il, que j’ai rencontré dans le parc cet imbécile d’Honorat qui refuse aussi de vous soigner, par crainte des autres. Il parle de procédés, d’égards, d’usages… On croirait que… il aurait l’air de… Bref, c’est une bête comme ses deux confrères. Vrai, je l’aurais cru moins singe que cela.

Le marquis demeurait atterré. L’idée de prendre les eaux sans médecin, de se baigner cinq minutes de trop, de boire un verre de moins qu’il n’aurait fallu le torturait de peur, car il croyait toutes les doses, les heures et les phases du traitement exactement réglées par une loi de la nature, qui avait pensé aux malades en faisant couler les eaux minérales, et dont les docteurs connaissaient tous les secrets mystérieux, comme des prêtres inspirés et savants.

Il s’écria :

— Alors on peut mourir ici… On y peut crever comme un chien sans qu’aucun de ces messieurs se dérange !

Et une colère l’envahit, une colère égoïste et furieuse d’homme menacé dans sa santé.

— Est-ce qu’ils ont le droit de faire cela, puisqu’ils payent patente comme des épiciers, ces gredins-là ? On doit pouvoir les forcer à soigner les gens, comme on force les trains à prendre tous les voyageurs. Je vais écrire aux journaux pour signaler le fait.

Il marchait avec agitation, et il reprit, en se tournant vers son fils :