Page:Maupassant - Mont-Oriol, Ollendorff, 1905.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
mont-oriol

des bêtises autour de lui, que des bêtises ! Il le répétait sans cesse ; mais il criait dans le désert, personne ne comprenait, personne n’ajoutait foi à son expérience que lorsqu’il était trop tard.

Et il disait : « mon médecin », « mon expérience », avec une autorité d’homme qui détient des choses uniques. Les pronoms possessifs prenaient dans sa bouche des sonorités de métal. Et quand il prononçait : « Ma femme », on sentait d’une façon bien évidente que le marquis n’avait plus aucun droit sur sa fille, puisque Andermatt l’avait épousée, épouser et acheter ayant le même sens dans son esprit.

Gontran entra au plus vif de la discussion, et il s’assit dans un fauteuil, avec un sourire de gaieté sur les lèvres. Il ne disait rien, il écoutait, s’amusant énormément.

Lorsque le banquier se tut, à bout de souffle, son beau-frère leva la main en criant :

— Je demande la parole. Vous voici tous les deux sans médecins, n’est-ce pas ? Eh bien, je propose mon candidat, le docteur Honorat, le seul qui ait sur l’eau d’Enval une opinion précise et inébranlable. Et il en fait boire, mais n’en boirait pour rien au monde. Voulez-vous que j’aille le chercher ? Je me charge des négociations.

C’était le seul parti à prendre et on pria Gontran de le faire venir immédiatement. Le marquis, saisi d’inquiétude à l’idée d’un changement de régime et de soins, voulait savoir tout de suite l’avis de ce nouveau médecin ; et Andermatt désira non moins vivement le consulter pour Christiane.

À travers la porte, elle les entendait sans les écou-