Page:Maupassant - Mont-Oriol, Ollendorff, 1905.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
mont-oriol

Aussitôt rentrée dans sa chambre, elle se dévêtit en quelques secondes et s’enfonça dans son lit, en cachant sa tête sous les draps, puis elle pleura. Elle pleura, la figure dans l’oreiller, longtemps, longtemps, inerte, anéantie. Elle ne songeait plus, elle ne souffrait point, elle ne regrettait pas. Elle pleurait sans songer, sans réfléchir, sans savoir pourquoi. Elle pleurait, par instinct, comme on chante quand on est gai. Puis, quand elle fut épuisée de larmes, accablée, courbaturée à force d’avoir sangloté, elle s’endormit de fatigue et de lassitude.

Elle fut réveillée par des coups légers frappés à la porte de sa chambre qui donnait sur le salon. Il faisait grand jour, il était neuf heures. Elle cria : « Entrez ! » Et son mari parut, joyeux, animé, coiffé d’une casquette de route, et portant au flanc son petit sac à argent qu’il ne quittait jamais en voyage.

Il s’écria :

— Comment, tu dormais encore, ma chère ! Et c’est moi qui te réveille. Voilà ! J’arrive sans m’annoncer. J’espère que tu vas bien. Il fait un temps superbe à Paris.

Et, s’étant décoiffé, il s’avança pour l’embrasser.

Elle s’éloignait vers le mur, saisie d’une peur folle, d’une peur nerveuse de ce petit homme rose et content qui tendait ses lèvres vers elle.

Puis, brusquement, elle lui offrit son front en fermant les yeux. Il y posa un baiser calme, et demanda :

— Tu permets que je me lave un peu dans ton cabinet de toilette ? Comme on ne m’attendait pas aujourd’hui, on n’a point préparé ma chambre.

Elle balbutia :

— Mais certainement.