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était verte comme une prairie ; et on voyait, à travers les branches, l’autre côte en face et l’eau luisante au fond de cette cuve de montagne.

Puis on gagna, par une clairière, le rivage même pour s’asseoir sur un talus de gazon ombragé par des chênes. Et tout le monde s’étendit dans l’herbe avec une joie animale et délicieuse.

Les hommes s’y roulaient, y enfonçaient leurs mains ; et les femmes, doucement couchées sur le flanc, y posaient leur joue comme pour y chercher une fraîche caresse.

C’était, après la chaleur de la route, une de ces sensations douces, si profondes et si bonnes qu’elles sont presque des bonheurs.

Alors le marquis s’endormit de nouveau ; Gontran bientôt en fit autant ; Paul se mit à causer avec Christiane et les jeunes filles. De quoi ? De pas grand chose ! De temps en temps, un d’eux disait une phrase ; un autre répondait après une minute de silence ; et les paroles lentes paraissaient engourdies dans leurs bouches comme les pensées dans leurs esprits.

Mais le cocher ayant apporté le panier aux provisions, les petites Oriol, accoutumées chez elles aux soins du ménage, gardant encore des habitudes actives de travail domestique, se mirent aussitôt à le déballer et à préparer le dîner, un peu plus loin, sur le gazon.

Paul restait étendu à côté de Christiane qui rêvait. Et il murmura, si bas qu’elle entendit à peine, si bas que ces mots frôlèrent son oreille comme ces bruits confus qui passent dans le vent : « Voici les meilleurs moments de ma vie. »

Pourquoi ces vagues paroles la troublèrent-elles jus-