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nable, voilée, poétique et entraînante. Comme tous les hommes hantés sans cesse par le désir et la pensée de la femme, il parlait discrètement de celles qu’il avait aimées avec une fièvre encore palpitante. Il se rappelait mille détails gentils, faits pour émouvoir le cœur, mille circonstances délicates faites pour mouiller le coin des yeux, et toutes ces mignonnes futilités de la galanterie qui rendent les rapports d’amour, entre gens d’âme fine et d’esprit cultivé, ce qu’il y a de plus élégant et de plus joli par le monde.

Toutes ces causeries troublantes et familières, renouvelées chaque jour, chaque jour plus prolongées, tombaient sur le cœur de Christiane ainsi que des graines qu’on jette en terre. Et le charme du grand pays, l’air savoureux, cette Limagne bleue, et si vaste qu’elle semblait agrandir l’âme, ces cratères éteints sur la montagne, vieilles cheminées du monde qui ne servaient plus qu’à chauffer des eaux pour les malades, la fraîcheur des ombrages, le bruit léger des ruisseaux dans les pierres, tout cela, aussi, pénétrait le cœur et la chair de la jeune femme, les pénétrait et les amollissait comme une pluie douce et chaude sur un sol encore vierge, une pluie qui fera germer les fleurs dont il a reçu la semence.

Elle sentait bien que ce garçon lui faisait un peu la cour, qu’il la trouvait jolie, plus que jolie même ; et le désir de lui plaire lui donnait, à elle, mille inventions rusées et simples en même temps, pour le séduire et le conquérir.

Quand il avait l’air ému, elle le quittait brusquement ; quand elle pressentait dans sa bouche une allusion attendrie, elle lui jetait, avant que la phrase