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sente traversait sans cesse, Paul et Gontran, debout sur des pierres dans le courant, prenaient les femmes chacun par un bras et les enlevaient d’une secousse pour les déposer de l’autre côté. Et chacun de ces gués changeait l’ordre des promeneurs.

Christiane allait de l’un à l’autre, mais trouvait le moyen, chaque fois, de rester seule quelque temps avec Paul Brétigny, soit en avant, soit en arrière.

Il n’avait plus avec elle les mêmes manières que dans les premiers jours, il était moins rieur, moins brusque, moins camarade, mais plus respectueux et plus empressé.

Leurs conversations cependant prenaient une allure intime et les choses du cœur y tenaient une grande place. Il parlait de sentiment et d’amour en homme qui connaît ces sujets, qui a sondé la tendresse des femmes et qui leur doit autant de bonheur que de souffrance.

Elle, ravie, un peu émue, le poussait aux confidences, avec une curiosité ardente et rusée. Tout ce qu’elle savait de lui éveillait en elle un désir aigu d’en connaître davantage, de pénétrer, par la pensée, dans une de ces existences d’hommes entrevues par les livres, dans une de ces existences pleines d’orages et de mystères d’amour.

Poussé par elle, il lui disait chaque jour un peu plus de sa vie, de ses aventures et de ses chagrins, avec une chaleur de parole que les brûlures de son souvenir rendaient parfois passionnée, et que le désir de plaire faisait astucieuse aussi.

Il ouvrait devant ses yeux un monde inconnu et trouvait des mots éloquents pour exprimer les sub-