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pierres, de grosses pierres, dans cette pensée encore ensommeillée.

Le père de Christiane, comme tous les pères, l’avait toujours traitée en petite fille à qui on ne doit pas dire grand’chose ; son frère la faisait rire et non point réfléchir ; son mari ne s’imaginait pas qu’on dût parler de quoi que ce fût avec sa femme en dehors des intérêts de la vie commune ; et elle avait vécu jusqu’ici dans une torpeur d’esprit satisfaite et douce.

Ce nouveau venu ouvrait son intelligence à coups d’idées qui ressemblaient à des coups de hache. C’était d’ailleurs un de ces hommes qui plaisent aux femmes,
à toutes les femmes, par sa nature même, par l’acuité vibrante de ses émotions. Il savait leur parler, tout leur dire, et il leur faisait tout comprendre. Incapable d’un effort continu, mais intelligent à l’extrême, aimant toujours ou détestant avec passion, parlant de tout avec une fougue naïve d’homme fréné­tiquement con­vain­cu, aussi changeant qu’il était enthousiaste, il avait à l’excès le vrai tempé­rament des femmes, leur crédulité, leur charme, leur mobilité, leur nervosité, avec l’intel­ligence supérieure, active, ouverte et pénétrante d’un homme.