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chaque matin avant le déjeuner, de faire un tour sur ce chemin.

Christiane et Gontran rejoignirent le marquis, Andermatt et Paul, et ils virent bientôt, à la place où la veille encore s’élevait le morne, une tête humaine, bizarre, coiffée d’une loque de feutre gris, couverte d’une grande barbe blanche, et qui sortait de terre, une sorte de tête de décapité qu’on aurait cru poussée là, comme une plante. Autour d’elle, des vignerons stupéfaits regardaient, impassibles, les Auvergnats n’étant point moqueurs, tandis que trois gros messieurs, clients des hôtels de second ordre, riaient et plaisantaient.

Oriol et son fils, debout, contemplaient le vagabond qui trempait dans son trou, assis sur une pierre, avec de l’eau jusqu’au menton. On eût dit un supplicié d’autrefois, condamné pour quelque crime étrange de sorcellerie ; et il n’avait point lâché ses béquilles baignées à côté de lui.

Andermatt, ravi, répétait :

— Bravo, bravo ! voilà un exemple que devraient suivre tous les gens du pays qui souffrent de douleurs.

Et, se penchant sur le bonhomme, il lui cria comme s’il eût été sourd :

— Êtes-vous bien ?

L’autre, qui semblait abruti complètement par cette eau brûlante, répondit :

— Il me chemble que je fonds. Bougrre, qu’elle est chaude !