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maîtriser, ni se diriger, ni combattre une sensation par un raisonnement, ni gouverner sa vie avec une méthode faite de convictions méditées, il obéissait à ses entraînements, excellents ou détestables, dès qu’un désir, dès qu’une pensée, dès qu’une émotion quelconque troublait sa nature exaltée.

Il s’était battu déjà sept fois en duel, aussi prompt à insulter les gens qu’à devenir ensuite leur ami ; il avait eu des furies d’amour pour des femmes de toutes classes, adorées avec un égal emportement, depuis l’ouvrière cueillie au seuil de son magasin, jusqu’à l’actrice enlevée, oui enlevée, le soir d’une première représentation, comme elle posait le pied dans son coupé pour rentrer chez elle, et emportée par lui, dans ses bras, au milieu des passants stupéfaits, et jetée dans une voiture qui disparaissait au galop sans qu’on pût la suivre ou la rattraper.

Et Gontran conclut : « Voilà. C’est un bon garçon, mais un fou ; très riche d’ailleurs, et capable de tout, de tout, de tout quand il perd la tête. »

Christiane reprit :

— Quel singulier parfum il a, ça sent très bon. Qu’est-ce que c’est ?

Gontran répondit :

— Je n’en sais rien, il ne veut pas le dire ; je crois que ça vient de Russie. C’est l’actrice, son actrice, celle dont je le guéris en ce moment, qui lui a donné cela. Oui, ça sent très bon en effet.

On apercevait sur la route un attroupement de baigneurs et de paysans, car on avait coutume,