Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/7

Cette page n’a pas encore été corrigée

cidés à construire au milieu de ce superbe vallon d’Auvergne, sauvage et gai pourtant, planté de noyers et de châtaigniers géants, une vaste maison à tous usages, servant également pour la guérison et pour le plaisir, où l’on vendait, en bas, de l’eau minérale, des douches et des bains, en haut, des bocks, des liqueurs et de la musique.

On avait enclos une partie du ravin, le long du ruisseau, pour constituer le parc indispensable à toute ville d’eaux ; on avait tracé trois allées, une presque droite et deux en festons ; on avait fait jaillir au bout de la première une source artificielle détachée de la source principale et qui bouillonnait dans une grande cuvette de ciment, abritée par un toit de paille, sous la garde d’une femme impassible que tout le monde appelait familièrement Marie. Cette calme Auvergnate, coiffée d’un petit bonnet toujours bien blanc, et presque entièrement couverte par un large tablier toujours bien propre qui cachait sa robe de service, se levait avec lenteur dès qu’elle apercevait dans le chemin un baigneur s’en venant vers elle. L’ayant reconnu elle choisissait son verre dans une petite armoire mobile et vitrée, puis elle l’emplissait doucement au moyen d’une écuelle de zinc emmanchée au bout d’un bâton.

Le baigneur triste souriait, buvait, rendait le verre en disant : « Merci, Marie !  » puis se retournait et s’en allait. Et Marie se rasseyait sur sa chaise de paille pour attendre le suivant.