Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Merci ! Cela suffit bien que vous l’ayez appréciée. Je connais leur goût.

Il connaissait leur goût, à toutes, et il l’appréciait aussi, mais d’une façon différente. Puis, se tournant vers le père Oriol :

— Ça ne vaut pas votre bon cru !

Le vieux fut flatté.

Christiane avait assez vu et voulut partir. Son frère et Paul lui frayèrent de nouveau un chemin à travers le peuple. Elle les suivait, appuyée sur le bras de son père. Tout à coup, elle glissa, faillit tomber, et regardant à ses pieds elle s’aperçut qu’elle avait marché sur un morceau de chair saignante, couverte de poils noirs et gluante de fange ; c’était une parcelle du roquet déchiqueté par l’explosion et piétiné par la foule.

Elle suffoqua, tellement émue qu’elle ne put retenir ses larmes. Et elle murmurait en s’essuyant les yeux avec son mouchoir : « Pauvre petite bête, pauvre petite bête ! » Elle ne voulait plus rien entendre, elle voulait rentrer, s’enfermer. Ce jour, si bien commencé, finissait mal pour elle. Était-ce un présage ? Son cœur, crispé, battait à grands coups.

Ils étaient maintenant seuls sur la route, et ils aperçurent, devant eux, un haut chapeau et deux basques de redingote s’agitant comme deux ailes noires. C’était le docteur Bonnefille, prévenu le dernier, et accourant, un verre à la main, comme le docteur Latonne.

Il s’arrêta en apercevant le marquis.