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Christiane ne savait comment parler de ce qui torturait son âme, tremblait d’être trop émue, de perdre la tête, de pleurer, de se trahir. Mais Mme Honorat se mit à bavarder toute seule, sans qu’on lui demandât rien. Lorsqu’elle eut conté tous les potins qui couraient par le pays, elle en vint à la famille Oriol :

— C’est de braves gens, disait-elle, de bien braves gens. Si vous aviez connu la mère, quelle femme honnête, vaillante ! Elle en valait dix, Madame. Les petites tiennent d’elle, d’ailleurs.

Puis, comme elle abordait un autre sujet, Christiane dit :

— Laquelle préférez-vous des deux, Louise ou Charlotte ?

— Oh ! moi, Madame, j’aime mieux Louise, celle de votre frère, elle est plus sage, plus rangée. C’est une femme d’ordre ! Mais mon mari préfere l’autre. Les hommes, vous savez, ils ont leurs goûts, pas comme les nôtres.

Elle se tut. Christiane, dont le courage faiblissait, balbutia :

— Mon frère l’a rencontrée souvent chez vous, sa fiancée.

— Oh ! oui, Madame, je crois bien, tous les jours. Tout s’est fait chez moi, tout ! Moi je les laissais causer, ces enfants, je comprenais bien la chose ! Mais ce qui m’a fait plaisir vraiment, c’est quand j’ai vu que M. Paul en tenait pour la cadette.