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toutes les menues querelles que la lassitude fait naître. Tout ce qu’elle disait, tout ce qu’elle pensait le tâchait d’avance ; son air de souffrance, son attitude résignée, ses regards de reproche et de supplication lui faisaient venir aux lèvres des paroles de colère qu’il réprimait par savoir-vivre ; et il gardait près d’elle le constant souvenir, l’image fixée en lui de la jeune fille qu’il venait de quitter.

Comme Christiane, tourmentée de le voir si peu, l’accablait de questions sur l’emploi de ses jours, il inventait des histoires qu’elle écoutait avec attention en cherchant à surprendre s’il ne pensait point à quelque autre femme. L’impuissance où elle se sentait de retenir cet homme, impuissance de verser en lui un peu de cet amour dont elle était torturée, impuissance physique de lui plaire encore, de se donner, de le reconquérir par des caresses, puisqu’elle ne pouvait pas le reprendre par la tendresse, lui faisait tout redouter sans qu’elle sût où fixer ses craintes.

Elle sentait vaguement un danger planant sur elle, un grand danger inconnu. Et elle était jalouse dans le vide, jalouse de tout, des femmes qu’elle voyait passer de sa fenêtre et qu’elle trouvait charmantes, sans même savoir si Brétigny leur avait jamais parlé.

Elle lui demandait :

— Avez-vous remarqué une très jolie personne, une brune, assez grande, que j’ai aperçue tantôt et qui a dû arriver ces jours-ci ?