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— Mon Dieu… si j’osais… si j’osais, monsieur le Comte…

— Si vous osiez quoi, chère Madame ?

— Vous prier de partager notre modeste repas.

— Ma foi… ma foi… je dirais oui.

Le docteur, inquiet, murmura :

— Mais nous n’avons rien, rien : le pot-au-feu, le boeuf, une poule, voilà tout.

Gontran riait :

— Ça me suffit, j’accepte.

Et il avait dîné chez le ménage Honorat. La grosse femme se levait, allait saisir les plats entre les mains de la bonne, pour que celle-ci ne répandît point de sauce sur la nappe, et malgré les impatiences de son mari, faisait tout le service elle-même.

Le comte l’avait félicitée sur sa cuisine, sur sa maison, sur sa bonne grâce, et il l’avait laissée enflammée d’enthousiasme.

Il était revenu faire sa visite de digestion, s’était laissé inviter de nouveau, et il entrait maintenant sans cesse chez Mme Honorat, où les petites Oriol venaient aussi à tout moment, depuis beaucoup d’années, en voisines et en amies.

Il passait donc là des heures entre les trois femmes, aimable pour les deux soeurs, mais accentuant bien, de jour en jour, sa préférence marquée pour Louise.

La jalousie née entre elles, dès qu’il s’était montré galant auprès de Charlotte, prenait des allures de