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sonne, employer les intermédiaires, découvrir les complaisances intéressées et juger, d’un coup d’œil, ceux ou celles qui favoriseraient ses intentions.

Le secours inconscient de Christiane venant soudain à lui manquer, il avait cherché autour de lui le trait d’union nécessaire, la « nature souple », suivant son mot, qui remplacerait sa sœur ; et son choix s’était arrêté bien vite sur la femme du docteur Honorat. Beaucoup de raisons la désignaient. Son mari d’abord, très lié avec les Oriol, soignait cette famille depuis vingt ans. Il avait vu naître les enfants, dînait chez eux tous les dimanches, et les recevait à sa table tous les mardis. La femme, une grosse et vieille demi-dame, prétentieuse, facile à conquérir par la vanité, devait prêter ses deux mains à tout désir du comte de Ravenel, dont le beau-frère possédait l’établissement du Mont-Oriol.

Gontran, d’ailleurs, qui s’y connaissait en proxénètes, avait jugé celle-là très bien douée par la nature, rien qu’à la voir passer dans la rue. Elle en a le physique, pensait-il, et quand on a le physique d’un emploi, on en a l’âme.

Donc il était entré chez elle, un jour, en reconduisant le mari jusqu’à sa porte. Il s’était assis, avait causé, complimenté la dame, et comme l’heure du dîner sonnait, il avait dit en se levant :

— Ça sent fort bon, chez vous. Vous faites de meilleure cuisine qu’à l’hôtel.

Mme Honorat, gonflée d’orgueil, balbutia :