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Et elles rougissaient, en effet, toutes les deux ; et Louise balbutiait de son air grave :

— Oh ! Monsieur, comme vous êtes fou !

Il répondait :

— Bah ! vous en entendrez bien d’autres plus tard, dans le monde, quand vous serez mariée, ce qui ne tardera pas. C’est alors qu’on vous en fera, des compliments !

Christiane et Paul Brétigny l’approuvaient d’avoir ramené Louise Oriol ; le marquis souriait, amusé par ce marivaudage enfantin ; Andermatt pensait : « Pas bête, le gaillard. » Et Gontran, irrité du rôle qu’il lui fallait jouer, porté par ses sens vers Charlotte et par son intérêt vers Louise, murmurait entre ses dents, avec des sourires pour celle-ci : « Ah ! ton gredin de père a cru me jouer ; mais je vais te mener tambour battant, ma petite ; et tu verras si je m’y prends bien. »

Et il les comparait en les regardant l’une après l’autre. Certes, la plus jeune lui plaisait davantage ; elle était plus drôle, plus vivante, avec son nez un peu relevé, ses yeux vifs, son front étroit et ses belles dents un peu trop grandes, dans sa bouche un peu trop large.

Cependant, l’autre était aussi jolie, plus froide, moins gaie. Elle n’aurait jamais d’esprit, celle-là, ni de charme dans la vie intime, mais quand on annoncerait à l’entrée d’un bal : « Madame la comtesse de Ravenel », elle pourrait bien porter son nom, mieux que la cadette peut-être, avec un