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cher, mais je vous confierais ma fortune si j’étais millionnaire…

William, calmé, reprit :

— Nous reviendrons là-dessus tout à l’heure. Terminons à présent la grosse question. Le vieux n’a pas été dupe de mes ruses et m’a répondu : « C’est selon de laquelle il s’agit. Si c’est de Louise, l’aînée, voilà sa dot. » Et il m’a énuméré toutes les terres qui entourent l’établissement, celles qui relient les bains à l’hôtel et l’hôtel au Casino, toutes celles enfin qui nous sont indispensables, celles qui ont pour moi une inestimable valeur. Il donne au contraire à la cadette l’autre côté du mont, qui vaudra aussi beaucoup d’argent plus tard, sans doute, mais qui ne vaut rien pour moi. J’ai cherché, par tous les moyens possibles, à lui faire modifier cette répartition et à intervertir les lots. Je me suis heurté à un entêtement de mulet. Il ne changera pas, c’est décidé. Réfléchissez, qu’en pensez-vous ?

Gontran, fort troublé, fort perplexe, répondit :

— Qu’en pensez-vous vous-même ? Croyez-vous qu’il ait songé à moi en faisant ainsi les parts ?

— Je n’en doute pas. Le rustre s’est dit : « Puisque la petite lui plaît, gardons le sac. » Il a espéré vous donner sa fille en conservant ses meilleures terres… Et puis, peut-être a-t-il voulu avantager l’aînée… Il la préfère… qui sait… elle lui ressemble davantage… elle est plus rusée… plus adroite… plus pratique… Je la crois forte, cette gamine-là…