Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/241

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses rêves, une voix qui criait : « Comtesse de Ravenel. »

L’émotion fut si forte qu’elle s’assit dans son lit ; puis elle chercha, avec ses pieds nus, ses pantoufles sous la chaise où elle avait jeté ses robes et elle alla ouvrir la fenêtre, sans savoir ce qu’elle faisait, pour donner de l’espace à ses espérances.

Elle entendit qu’on parlait dans la salle du bas, et la voix de Colosse s’éleva : « Laiche, laiche. Y chera temps de voir. Le païré arrangera cha. Y a pas de mal jusqu’ici. Ch’est le païré qui fera la chose. »

Elle voyait sur la maison d’en face le carré blanc de la fenêtre éclairée au-dessous d’elle. Elle se demandait : « Qui donc est là ? De quoi parlent-ils ? » Une ombre passa sur le mur lumineux. C’était sa sœur ! Elle n’était donc pas couchée. Pourquoi ? Mais la lumière s’éteignit, et Charlotte se remit à songer aux choses nouvelles qui remuaient dans son cœur.

Elle ne pouvait pas s’endormir maintenant. L’aimait-il ? Oh, non ! Pas encore ! Mais il pouvait l’aimer puisqu’elle lui plaisait ! Et s’il arrivait à l’aimer beaucoup, éperdument, comme on aime dans le monde, il l’épouserait sans aucun doute.

Née dans une maison de vignerons, elle avait gardé, bien qu’élevée dans le couvent des demoiselles de Clermont, une modestie et une humilité de paysanne. Elle pensait qu’elle aurait pour mari un notaire peut-être ou un avocat, ou un médecin ; mais l’envie de devenir une vraie dame du grand monde, avec un titre de noblesse devant son nom, ne l’avait