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Il augmentait ou diminuait chaque jour le dosage de l’eau bue par ses malades, ce qui leur donnait pleine confiance dans le souci qu’il prenait d’eux.

— Nous en sommes restés hier à deux verres trois quarts, disait-il ; eh bien ! aujourd’hui nous prendrons seulement deux verres et demi, et demain trois verres… N’oubliez pas…, demain, trois verres… J’y tiens beaucoup, beaucoup !

Et tous ses malades étaient convaincus qu’il y tenait beaucoup, en effet.

Pour ne pas oublier ces chiffres et ces fractions de chiffres, il les inscrivait sur un calepin, afin de ne se jamais tromper. Car le client ne pardonne point une erreur d’un demi-verre.

Il réglait et modifiait avec la même minutie la durée des bains quotidiens, en vertu de principes de lui seul connus.

Le docteur Latonne, jaloux et exaspéré, haussait les épaules de dédain et déclarait : « C’est un faiseur. » Sa haine contre le docteur Black l’avait même amené quelquefois jusqu’à médire des eaux minérales. « Puisque nous savons à peine comment elles agissent, il est bien impossible de prescrire quotidiennement des modifications de dosage, qu’aucune loi thérapeutique ne peut réglementer. Ces procédés-là font le plus grand tort à la médecine. »

Le docteur Honorat se contentait de sourire. Il avait toujours soin d’oublier cinq minutes après une consultation le nombre de verres qu’il venait d’ordonner. « Deux de plus ou de moins, disait-il à