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chien assoiffé boit, rampant sur le ventre dans une source, il se mit à baiser ardemment la poussière en suivant les contours de l’ombre bien-aimée. Il allait ainsi vers elle, sur les mains et sur les genoux, parcourant de caresses le dessin de son corps comme pour recueillir de ses lèvres l’image obscure et chère étendue sur le sol.

Elle, surprise, un peu effrayée même, attendit qu’il fût à ses pieds pour s’enhardir à lui parler ; puis, quand il eut relevé la tête, toujours à genoux, mais l’étreignant à présent de ses deux bras, elle demanda :

— Qu’as-tu donc, ce soir ?

Il répondit :

— Liane, je vais te perdre !

Elle enfonça tous ses doigts dans les cheveux épais de son ami et, se penchant, lui renversa le front pour lui baiser les yeux.

— Pourquoi me perdre ? dit-elle, souriante, confiante.

— Puisque nous allons nous séparer demain.

— Nous séparer ? Pour si peu de temps, chéri.

— Sait-on jamais. Nous ne retrouverons point les jours passés ici.

— Nous en aurons d’autres qui seront aussi beaux.

Elle le releva, l’entraîna sous l’arbre où il l’avait attendue, le fit asseoir auprès d’elle, plus bas, pour avoir toujours la main dans ses cheveux, et elle lui parla sérieusement, en femme réfléchie, ardente et déterminée qui aime, qui a tout prévu déjà, qui sait,