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— Regardez-moi. Je vais entrer dans votre âme.

Et ils se regardaient de ce regard immobile, obstiné qui semble vraiment mêler deux êtres l’un à l’autre !

— On ne s’aime bien qu’en se possédant ainsi, disait-il, toutes les autres choses de l’amour sont des jeux de polissons.

Et face à face, confondant leurs haleines, ils se cherchaient éperdument dans la transparence des yeux.

Il murmurait :

— Je vous vois, Liane. Je vois votre cœur adoré !

Elle répondait :

— Moi aussi, Paul, je vois votre cœur !

Et ils se voyaient, en effet, l’un et l’autre, jusqu’au fond de l’âme et du cœur, car ils n’avaient plus dans l’âme et dans le cœur qu’un furieux élan d’amour l’un vers l’autre.

Il disait :

— Liane, votre œil est comme le ciel ! il est bleu, avec tant de reflets, avec tant de clarté ! Il me semble que j’y vois passer des hirondelles ! ce sont vos pensées, sans doute ?

Et quand ils s’étaient longtemps, longtemps contemplés ainsi, ils se rapprochaient encore et s’embrassaient doucement, par petits coups, en se regardant de nouveau, entre chaque baiser. Quelquefois il la prenait dans ses bras et l’emportait en courant le long du ruisseau qui glissait vers les gorges d’Enval avant de s’y précipiter. C’était un étroit