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science, les voyages, les livres ; et s’il cherche l’argent, c’est parce que cela facilite les joies réelles de l’esprit et même le bonheur du cœur ! Mais eux, ils n’ont rien dans l’esprit et dans le cœur que ce goût ignoble du trafic ! Ils ressemblent aux hommes de valeur, ces écumeurs de la vie, comme le marchand de tableaux ressemble au peintre, comme l’éditeur ressemble à l’écrivain, comme le directeur de théâtre ressemble au poète.

Il se tut soudain, comprenant qu’il se laissait emporter, et il reprit d’une voix plus calme :

— Je ne dis point cela pour Andermatt, que je trouve un charmant homme. Je l’aime beaucoup parce qu’il est cent fois supérieur à tous les autres…

Christiane avait retiré sa main. Paul, de nouveau, cessa de parler.

Gontran se mit à rire, et de sa voix méchante, dont il osait tout dire, en ses heures de gouaillerie sincère :

— En tout cas, mon cher, ces hommes-là ont un rare mérite : c’est d’épouser nos sœurs et d’avoir des filles riches qui deviennent nos femmes.

Le marquis, blessé, se leva :

— Oh ! Gontran ! Tu es parfois révoltant.

Paul alors, se tournant vers Christiane, murmura :

— Sauraient-ils mourir pour une femme ou même lui donner toute leur fortune - toute - sans rien garder ?

Cela disait si clairement : « Tout ce que j’ai est à vous, jusqu’à ma vie », qu’elle fut émue, et