Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/143

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ne pourrais-je aller trouver votre confrère et lui dire…

Le docteur Latonne l’interrompit :

— C’est inutile, mon cher Monsieur, il y a là une question de dignité et d’honorabilité professionnelles que je dois avant tout respecter, et, malgré mes vifs regrets…

Andermatt, à son tour, lui coupa la parole. L’homme riche, l’homme qui paye, qui achète une ordonnance de cinq, dix, vingt ou quarante francs comme une boîte d’allumettes de trois sous, à qui tout doit appartenir par la puissance de sa bourse, et qui n’apprécie les êtres et les objets qu’en vertu d’une assimilation de leur valeur avec celle de l’argent, d’un rapport rapide et direct établi entre les métaux monnayés et toutes les autres choses du monde, s’irritait de l’outrecuidance de ce marchand de remèdes sur papier. Il déclara d’un ton roide :

— Soit, Docteur. Restons-en là. Mais je souhaite pour vous que cette démarche n’ait pas sur votre carrière une fâcheuse influence. Nous verrons, en effet, lequel de nous deux aura le plus à souffrir de votre résolution.

Le médecin, froissé, se leva, et, saluant avec une grande politesse :

— Ce sera moi, Monsieur, je n’en doute pas. Dès aujourd’hui, ce que je viens de faire m’est fort pénible sous tous les rapports. Mais je n’hésite jamais entre mon intérêt et ma conscience.