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d’avant la Révolution !… Oh ! qu’il est drôle… et sale… ah oui… sale… vrai, je crois qu’il a taché mon porte-plume…

La porte s’ouvrit, on entendit la voix de M. Andermatt qui disait : « Entrez, Docteur !  » Et le docteur Latonne parut. Droit, mince, correct, sans âge, vêtu d’un veston élégant, et tenant à la main le haut chapeau de soie qui distingue le médecin traitant dans la plupart des stations thermales d’Auvergne, le médecin parisien, sans barbe ni moustache, ressemblait à un acteur en villégiature.

Le marquis, interdit, ne savait que dire ni que faire, tandis que sa fille avait l’air de tousser dans son mouchoir pour ne point éclater de rire au nez du nouveau venu. Il salua avec assurance, et s’assit sur un signe de la jeune femme. M. Andermatt, qui le suivait, lui raconta, avec minutie, la situation de sa femme, ses indispositions avec leurs symptômes, l’opinion des médecins consultés à Paris, suivie de sa propre opinion appuyée sur des raisons spéciales exprimées en termes techniques.

C’était un homme encore très jeune, un juif, faiseur d’affaires. Il en faisait de toutes sortes et s’entendait à toutes choses avec une souplesse d’esprit, une rapidité de pénétration, une sûreté de jugement tout à fait merveilleuses. Un peu trop gros déjà pour sa taille qui n’était point haute, joufflu, chauve, l’air poupard, les mains grasses, les cuisses courtes, il avait l’air trop frais et malsain, et parlait avec une facilité étourdissante.