Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/137

Cette page n’a pas encore été corrigée

tiquement par le contact de cette femme, et par la nuit, et par la lune, et par la ruine.

Brusquement il se mit à genoux devant Christiane, et, d’une voix tremblante :

— Laissez-moi vous adorer encore, puisque je vous ai retrouvée. Voilà si longtemps que je vous cherche !

Elle voulait se lever, partir, rejoindre son père ; mais elle n’en avait pas la force, elle n’en avait pas le courage, retenue, paralysée par une envie ardente de l’écouter encore, d’entendre entrer dans son cœur ces paroles qui la ravissaient. Elle se sentait emportée dans un songe, dans le songe toujours espéré, si doux, si poétique, plein de rayons de lune et de ballades.

Il lui avait saisi les mains et lui baisait le bout des ongles en balbutiant :

— Christiane… Christiane… prenez-moi… tuez-moi… je vous aime… Christiane… !

Elle le sentait trembler, frissonner à ses pieds. Il lui baisait les genoux maintenant, avec des sanglots profonds dans la poitrine. Elle eut peur qu’il ne devînt fou et se leva pour se sauver. Mais il s’était dressé plus vite qu’elle et l’avait saisie dans ses bras en se jetant sur sa bouche.

Alors, sans un cri, sans révolte, sans résistance, elle se laissa tomber sur l’herbe, comme si cette caresse lui eût cassé les reins en brisant sa volonté. Et il la prit aussi facilement que s’il cueillait un fruit mûr.